domingo, 28 de julio de 2013

Notre Dame de perpétuels donuts de Jordan Beswick: RHINOCÉROS LA CRITIQUE À LA DENT FÉROCE

 


Notre Dame de perpétuels donuts de Jordan Beswick

Moment de grâce

<em>Notre Dame de perpétuels donuts</em> de Jordan Beswick</br><h4>Moment de grâce</h4>
Jusqu’au 27 avril 2013, Lucernaire
Notre Dame de perpétuels donuts, c’est Edna. Et aujourd’hui, Edna reçoit des mains du maire de sa ville le prix de la Citoyenne de l’année pour son engagement sans relâche auprès des enfants en difficulté. Plus habituée aux lumières de sa boutique de donuts qu’à celles d’un podium officiel, ce petit bout de femme tout en cheveux blonds et en sourire se met à parler. À parler comme, on le devine, elle ne l’a jamais fait avant. S’ouvre alors un récit subtil et lumineux.
Edna existe vraiment. Pour écrire cette histoire, Jordan Beswick s’est inspiré de sa tante. Une femme qui a connu tout ce que la vie a de moche à offrir : la violence, l’inceste, les yeux qui se détournent pour ne pas voir, etc. Pourtant, elle choisit toujours et encore l’amour et le pardon. Plutôt que de ruminer sur ses malheurs, elle prend le chemin de la vie et  se met à accueillir tous les enfants abîmés qui croisent sa route. Elle leur offre un toit, à manger, le respect et l’affection qu’ils n’ont pas eus dans leur famille, avec la simplicité de l’évidence.
Contre-pied salvateur
Avec une telle trame, il aurait été aisé de tomber dans le pathos, de prendre les spectateurs par des sentiments sirupeux. De leur vendre les malheurs et la réussite d’Edna comme un beignet trop gras et trop sucré qui reste sur le ventre. Mais Jordan Beswick, metteur en scène et coach d’acteurs chevronné, sait habilement éviter les écueils du sentimentalisme. Il prend le texte à contre-pied, glisse les pires détails au milieu d’un récit enjoué, comme si de rien n’était. On se demande presque si l’on n’a pas rêvé la première allusion aux déboires d’Edna.
Peu à peu, les éléments du puzzle se mettent en place. Il y a la Edna d’hier, blessée, arrivant tout juste à survivre, et celle d’aujourd’hui qui a trouvé la paix intérieure. Une femme qui peut sans mentir raconter l’horreur du passé avec le sourire, car elle a trouvé la force de passer à autre chose. Comment ne pas louer le travail d’interprétation tout en finesse de Natasha Mashkevich ? Tour à tour fragile, puissante, délicate et lumineuse, elle crée un personnage troublant et fort qui ne vous lâche plus, bien au-delà de la représentation.
Sur un sujet difficile, Notre Dame de perpétuels donutsoffre un récit d’une rare maturité. Complexe et subtile, la pièce parle de réconciliation, d’appropriation de sa propre histoire en évitant toute mièvrerie. Un moment de grâce profondément humain et empli d’amour. Amen.
Notre Dame de perpétuels donuts, écrit et mis en scène par Jordan Beswick, Lucernaire.
Avec : Natasha Mashkevich.
Crédits photographiques : François Vila.

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